Dix-sept

En ce début de février, Marguerite, qui revenait du ravitaillement du samedi, se fit la réflexion que Blind Lake avait beaucoup changé.

Pas en apparence. Les chasse-neige sortaient toujours de l’arrière de la galerie marchande à chaque chute de neige pour que les rues restent à peu près dégagées. Les lumières continuaient à briller aux fenêtres la nuit. Tout le monde dormait au chaud et personne ne souffrait de la faim.

Mais la ville semblait aussi un peu délabrée, non entretenue. Aucun entrepreneur externe ne venait plus combler les nids-de-poule creusés par l’hiver ni remplacer les bardeaux arrachés de nombreux toits par les tempêtes survenues après Noël. Le ramassage des ordures était toujours assuré, mais comme on ne pouvait évacuer celles-ci à l’extérieur, le service d’hygiène publique avait établi une décharge temporaire à l’extrémité ouest du lac, près de la clôture et aussi loin que possible de la ville et des marécages protégés. Une odeur dérivait pourtant avec la brise comme un augure de pourrissement, et les jours de grand vent voyaient des papiers froissés et des emballages de nourriture tourbillonner le long du centre commercial comme des boules de broussailles. La question quand cela allait-il finir ? était si banale que plus personne ne prenait la peine de la poser.

Parce que ça pourrait se terminer n’importe quand.

Tess était revenue affaiblie et abasourdie de l’endroit où l’avion s’était écrasé. Marguerite l’avait enveloppée de vêtements et lui avait donné une soupe brûlante avant de la coucher jusqu’au lendemain matin – pour sa part, elle n’avait pas dormi – et après cette nuit de sommeil, Tess semblait redevenue elle-même. Semblait. Entre Noël et le jour de l’an, Tess n’avait rien dit du tout sur la Fille-Miroir et il n’y avait eu aucun épisode bizarre, mais Marguerite avait lu l’inquiétude sur les traits de Tessa et senti peser dans ses silences davantage que sa timidité coutumière.

Elle avait énormément hésité à envoyer Tess chez son père pour la semaine, mais il semblait impossible d’y échapper. Aurait-elle élevé une objection que Ray ne se serait sûrement pas privé d’expédier un de ses vigiles privés récupérer Tess de force. Aussi, malgré son profond malaise, Marguerite avait-elle aidé sa fille à remplir son sac à dos de ses possessions préférées et lui avait fait franchir la porte dès que la petite automobile couleur scarabée de Ray s’était arrêtée contre le trottoir.

Peu désireux de se montrer, Ray était resté une silhouette dans l’ombre de l’habitacle. Il a l’air flou, se dit Marguerite, comme un souvenir qui disparaît. Elle regarda Tess le saluer avec un entrain qui lui parut soit faux, soit d’une naïveté touchante.

Le seul avantage de la situation était qu’elle aurait plus de temps à consacrer à Chris dans la semaine.

Elle pensait à lui lorsqu’elle immobilisa l’automobile devant la maison.

Chris. Il lui avait fait forte impression, avec son regard blessé et son incontestable courage. Sans parler de la manière dont il la touchait, comme un homme qui entre dans une source d’eau chaude et teste la température avant de se laisser aller. Le bon, l’effrayant Chris.

Effrayant parce que avoir un homme à la maison – partager son intimité avec un homme – suscitait de malencontreux souvenirs de Ray, ne serait-ce que par contraste. Une odeur d’après-rasage dans la salle de bains, un slip d’homme abandonné sur le sol de la chambre, une chaleur masculine subsistant dans les creux du lit… avec Ray, tout cela en était venu à sembler détestable, aussi désagréable qu’une contusion. Mais avec Chris, c’était tout le contraire. La veille, elle s’était surprise, outre à lui proposer elle-même de lui laver ses vêtements, à respirer en douce son odeur sur un tricot de corps qu’elle s’apprêtait à confier au lave-linge. Ridicule comportement de midinette, pensa Marguerite. Je suis très dangereusement entichée de ce type.

Elle supposa que leur liaison aurait au moins sur elle un effet thérapeutique, comme lorsqu’on évacue le venin d’une morsure de serpent.

Les gens parlaient d’« aventures de blocus ». En était-ce une ? Marguerite n’avait qu’une expérience limitée. Ray avait non seulement été son premier mari mais sa première liaison de longue durée. Comme Tess, Marguerite était une de ces filles mal à l’aise à l’école : intelligentes mais gauches, pas particulièrement jolies, trop timides pour s’exprimer en société. On appelait « geeks » les garçons de ce genre, mais au moins ces garçons-là semblaient-ils capables de tirer du réconfort de la fréquentation de leurs semblables. Marguerite n’avait jamais eu de vrais amis ni d’un sexe ni de l’autre, du moins pas avant d’arriver en troisième cycle universitaire. Là, enfin, elle avait trouvé des collègues, des gens qui respectaient son talent, qui l’appréciaient pour ses idées, et certains de ceux-là étaient devenus des amis.

Cela expliquait peut-être pourquoi elle avait été si impressionnée par Ray lorsqu’il lui avait explicitement manifesté de l’intérêt. Ray avait dix ans de plus qu’elle et évoluait à la pointe du progrès en astrophysique à un moment où elle s’efforçait de trouver un moyen d’entrer à Crossbank. Il s’était montré direct dans ses opinions mais flatteur avec Marguerite, et avait de toute évidence envisagé dès le début de l’épouser. Marguerite ignorait alors que certains hommes considéraient le mariage comme l’autorisation de tomber le masque et de montrer leur terrible et véritable visage. Il ne s’agissait pas là d’une figure de style : Marguerite avait vraiment l’impression que Ray avait changé de visage, qu’il s’était dépouillé du Ray doux et indulgent de leurs fiançailles avec la même efficacité qu’un serpent de sa mue.

De toute évidence, elle avait complètement manqué de psychologie.

Et donc, qu’est-ce que cela faisait de Chris ? Une aventure de blocus ? Un second père potentiel pour Tess ? Ou quelque chose entre les deux ?

Et comment pouvait-elle seulement commencer à construire une ébauche d’avenir, quand même la possibilité d’un avenir pouvait prendre fin n’importe quand ?

En l’entendant s’affairer dans la cuisine, Chris monta du sous-sol, où il travaillait dans son bureau, lui demander : « T’es occupée ? »

Eh bien, la question ne manquait pas d’intérêt. On était samedi. Rien ne l’obligeait à travailler. Mais qu’est-ce qui était ou pas du travail ? Depuis plusieurs mois, elle se consacrait à Tess et au Sujet, et maintenant à Chris aussi. Ce jour-là, elle avait prévu de rattraper le retard pris dans ses notes et de garder un œil sur le direct. L’odyssée du Sujet continuait, même si la crise de la tempête de sable était terminée et la ville en ruine désormais loin derrière lui, il avait quitté la route et voyageait dans un désert vide, sa condition physique avait changé de manière inquiétante mais rien d’absolument crucial ne lui était arrivé, du moins pour le moment.

« Pourquoi ?

— Je pensais aller à la clinique rendre visite au pilote que j’ai sorti de l’épave. Son état s’est stabilisé.

— Il a repris conscience ? » Marguerite avait entendu dire qu’il se trouvait dans le coma.

« Toujours pas.

— Pourquoi lui rendre visite, dans ce cas ?

— Parfois, on veut juste garder le contact. »

 

Et donc, retour dans la voiture, retour sur la route avec Chris au volant, retour dans cet après-midi clair et froid de février entre les ordures culbutées par le vent.

« Comment diable peux-tu lui devoir quoi que ce soit ? Tu lui as sauvé la vie.

— Pour le meilleur ou pour le pire.

— Comment cela pourrait-il être pire ?

— Il est grièvement brûlé. Lorsqu’il se réveillera, il se retrouvera dans un monde de douleur. Et puis… je suis sûr que Ray et ses potes adoreraient l’interroger. »

Il avait raison. Personne ne savait pourquoi le petit avion survolait Blind Lake ni ce que le pilote espérait accomplir en pénétrant dans la zone d’exclusion aérienne. Mais l’incident avait nettement accru l’angoisse en ville. Au cours des deux semaines précédentes, il y avait eu trois nouvelles tentatives pour échapper au blocus, toutes par des hommes seuls : un journalier, un étudiant et un analyste débutant. Les trois candidats à l’évasion avaient été tués par les minidrones, encore que l’analyste avait réussi à s’éloigner d’au moins cinquante ou soixante mètres grâce à une veste thermique bricolée pour masquer sa signature infrarouge.

Aucun des corps n’avait été récupéré. Ils seront toujours là au printemps, pensa Marguerite, à la fonte des neiges. Comme une chose abandonnée sur un champ de bataille, brûlée, gelée et dégelée : un résidu biologique. De l’appât à vautours. Y avait-il des vautours dans le Minnesota ?

Tout le monde avait peur et tout le monde voulait à tout prix savoir pourquoi ils étaient en quarantaine et le moment où celle-ci prendrait fin (ou, pensée inexprimable, si elle prendrait fin). Donc, oui, le pilote serait interrogé, peut-être avec vigueur, et oui, il connaîtrait à coup sûr la douleur, malgré la réserve d’antalgiques centraux de la clinique. Mais cela n’enlevait rien à l’acte courageux de Chris. Elle avait senti plus d’une fois qu’il doutait des conséquences d’une bonne action. Peut-être son livre sur Galliano avait-il été une bonne action, du moins de son point de vue. Un mal réparé. Et il avait été puni pour cela. Chat échaudé craint l’eau froide. Mais le malaise semblait plus profond.

Marguerite ne comprenait pas comment un homme en apparence aussi convenable que Chris Carmody pouvait manquer à ce point de confiance en lui, alors que des salauds patentés tels que Ray se baladaient dans l’éclat de leur propre et sinistre vertu. Un vers d’un poème étudié au lycée lui revint en mémoire : Les meilleurs ne croient plus en rien, et les pires s’emplissent d’une véhémence passionnée…

Chris se gara dans le parking presque vide de la clinique. Le solstice étant passé, les jours rallongeaient à nouveau, mais on n’était encore qu’en février et déjà le soleil délavé effleurait l’horizon. Il prit la main de Marguerite en se dirigeant vers la porte de l’établissement.

Ne trouvant personne à la réception, Chris sonna et une infirmière apparut un instant plus tard. Je la connais, réalisa Marguerite. Cette femme potelée et animée vêtue de blanc médical était la mère d’Amanda Bleiler et elle la voyait souvent les matins de semaine en déposant Tess au collège. Elle la connaissait assez pour lui faire bonjour de la main. Comment s’appelait-elle, déjà ? Roberta ? Rosetta :

« Marguerite, fit la femme en la reconnaissant. Et vous devez être Chris Carmody. » Chris avait prévenu de sa visite.

« Rosalie », dit Marguerite, le prénom lui revenant d’un coup en tête juste avant de le prononcer. « Comment va Amanda ?

— Assez bien, malgré tout. Malgré le blocus, voulait-elle dire. Malgré la présence de cadavres sous la neige à l’extérieur de la clôture.

Rosalie se tourna vers Chris : « Si vous voulez rendre visite à M. Sandoval, pas de problème, je m’en suis assurée auprès du Dr Goldhar, mais n’en attendez pas grand-chose, d’accord ? Et la visite devra être rapide. Pas plus de quelques minutes, OK ? »

Rosalie les guida par un escalier jusqu’au premier étage de la clinique, où trois petites chambres équipées d’appareils de réanimation rudimentaires ponctuaient un alignement de bureaux et de salles de réunion.

Quelques années auparavant, le pilote n’aurait pas survécu à ses blessures. Rosalie leur expliqua qu’il avait été brûlé au troisième degré sur une grande partie du corps et qu’il avait inhalé assez de fumée et d’air brûlant pour endommager gravement ses poumons. La clinique avait pratiqué un pontage alvéolaire et enduit ses sacs pulmonaires de gel pour en accélérer la guérison. Quant à sa peau…

Eh bien, se dit Marguerite, il a l’air d’un spectre, allongé comme cela dans un lit blanc d’une chambre blanche avec de la peau artificielle d’un blanc d’ivoire étalée sur le visage comme des Kleenex détrempés. Mais un tel traitement se trouvait presque à la pointe du progrès. Rosalie leur apprit qu’en moins d’un mois, il retrouverait presque un air normal. Presque la tête qu’il avait avant le crash.

Sa blessure la plus grave était un coup a la tête qui, sans la lui fendre tout à fait, avait provoqué à l’intérieur du crâne un saignement difficile à traiter ou corriger. Nous avons fait tout notre possible, lui assura Rosalie. Le Dr Goldhar est vraiment un médecin exceptionnel, considérant que nous disposons d’un équipement moins complet qu’un hôpital. Mais le pronostic est incertain. M. Sandoval peut se réveiller ou pas. »

M. Sandoval releva Marguerite, en essayant de prendre la mesure de l’homme sous les appareils médicaux. À priori, quelqu’un d’un certain âge. Un ventre généreux qui soulevait les draps. Des cheveux poivre et sel aux endroits ou ils n’avaient pas été carbonisés.

« Vous l’appelez M. Sandoval ?, s’étonna Chris.

— C’est son nom. Adam Sandoval.

— Il n’a pas repris conscience depuis son admission. Comment connaissez-vous son nom ?

— Eh bien… » Elle eut l’air inquiète. « Le Dr Goldhar a dit de ne pas trop divulguer cette information, mais vous lui avez sauvé la vie, pas vrai ? C’était vraiment courageux. »

L’histoire avait été diffusée sur Télé Blind Lake, ce qui avait horrifié Chris. Malgré son refus de se faire interviewer, sa réputation y avait énormément gagné – Marguerite aurait pensé que cela ne pouvait pas lui faire de mal. Mais peut-être qu’en tant que journaliste Chris se sentait mal à l’aise de se retrouver l’objet d’un événement médiatique, même de petite échelle.

« Quelle information ? demanda Chris.

— Il avait un portefeuille et un bout de sac à dos sur lui. En grande partie brûlés, mais on en a sauvé assez pour lire son identité. »

Chris demanda – et Marguerite crut déceler un peu de tension dans sa voix : « Serait-il possible de voir ses affaires ?

— Eh bien, je ne crois pas… Je veux dire, je devrais sans doute en parler d’abord au Dr Goldhar. Tout ça finira un jour ou l’autre comme preuve pour la police ou quelque chose dans ce genre, non ?

— Je ne toucherai à rien. Juste un coup d’œil.

— Je me porte garante de Chris, ajouta Marguerite. C’est un type bien.

— Eh bien… juste un tout petit coup d’œil, peut-être. Je veux dire, bon, vous n’êtes pas des terroristes ni rien, après tout. » Elle fixa Chris d’un regard sombre. « Ne me mettez pas dans de mauvais draps, je ne vous demande rien d’autre. »

Chris resta encore un peu avec le pilote. Il murmura quelque chose que Marguerite ne put entendre. Une question, une excuse, une prière.

Puis ils laissèrent Adam Sandoval, dont la poitrine se soulevait et s’abaissait au rythme d’une tranquillité étrange de son respirateur, et suivirent Rosalie au bout du couloir, où elle ouvrit la porte d’une petite pièce grâce à une clé fixée à un anneau qu’elle portait accroché à la ceinture. La pièce servait de réserve à diverses fournitures médicales – boîtes de fil chirurgical de différents diamètres, sérum salé, bandages et gaze, antiseptiques en flacons bruns – et, sur un bureau dépliable, un sachet en plastique renfermant les affaires de Sandoval. Rosalie ouvrit le sachet avec précaution et obligea Chris à enfiler des gants chirurgicaux jetables avant de le laisser toucher au contenu. « Pour éviter les empreintes digitales ou je ne sais quoi. » Elle semblait regretter d’avoir accepté.

Chris sortit le portefeuille de Sandoval, carbonisé, et ce qu’on avait pu en récupérer : sa carte de paiement, fondue au-delà de toute utilité, un disque d’identité avec ses références numériques, lui aussi brûlé mais sur lequel on pouvait lire le nom ADAM W. SANDOVAL, sa licence de pilote, une photographie aux trois quarts intacte d’une quinquagénaire au large et agréable sourire, un reçu d’un magasin d’ameublement Pottery Barn à Flint Creek, dans le Colorado, et un bon de réduction de dix dollars valable dans une grande chaîne de magasins de bricolage et de décoration, mais expiré depuis six mois. Si M. Sandoval est un terroriste, se dit Marguerite, il ne peut qu’appartenir à l’espèce locale.

« Faites attention, s’il vous plaît », dit Rosalie, et ses joues rougirent.

Les articles retrouvés dans le sac à dos brûlé étaient encore moins nombreux. Chris les passa rapidement en revue ; un fragment de livre électronique, un stylo en plastique noirci et une poignée de pages volantes incomplètes qui avaient appartenu à un magazine papier.

« Quelqu’un d’autre a vu tout ça ? demanda Chris.

— Juste le Dr Goldhar. J’ai pensé qu’il faudrait peut-être en parler à Ray Scutter ou à quelqu’un de l’Administration. Le Dr Goldhar n’a pas voulu. Il a dit que ce n’était pas la peine d’embêter Ray avec ça.

— Le Dr Goldhar est un sage », affirma Chris.

L’air de plus en plus coupable, Rosalie alla jeter un nouveau coup d’œil dans le couloir. Chris lui tournait le dos, aussi ne vit-elle pas – mais cela n’échappa pas à Marguerite – Chris prendre une des pages de magazine et la glisser sous sa veste.

Marguerite n’était pas certaine que Chris sache qu’elle l’avait vu prendre la page et elle n’en parla pas durant le retour. Son acte relevait sans doute d’un délit quelconque. Cela faisait-il d’elle une complice ?

Il ne dit pas grand-chose dans la voiture. Mais elle ne doutait pas qu’il avait agi dans une intention journalistique et non criminelle. Après tout, il n’avait pris qu’un morceau de papier roussi.

Elle rassembla plusieurs fois assez de cran pour lui en parler, mais sans jamais franchir le pas. Le soleil s’était couché et l’heure du dîner approchait lorsqu’ils arrivèrent devant la maison. Chris avait promis de s’occuper du repas. C’était un cuisinier enthousiaste quoique sans talent particulier. Ses sautés avaient du bon et du mauvais, et il se plaignait que les rations de blocus ne contiennent ni citronnelle ni coriandre, mais…

« Il y a une voiture dans l’allée », dit Chris.

Elle la reconnut aussitôt. Noire sur fond d’asphalte dans l’ombre du saule et le crépuscule hivernal, l’automobile n’était pas très visible, mais Marguerite reconnut tout de suite celle de Ray.

 

Blind Lake
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